On ne reviendra pas en arrière. Le télétravail s’impose comme une réalité dans les entreprises. S’il a besoin d’être mieux encadré, il peut aussi permettre de mieux répartir les activités sur le territoire en s’appuyant notamment sur les tiers lieux. Et à condition d’être encadré par des accords d’entreprises ambitieux.
La vie par écrans interposés. Avec le premier confinement, le monde du travail a vécu une transformation en profondeur. Du jour au lendemain, dans des conditions parfois acrobatiques, des millions de salariés ont dû improviser un espace de bureau à leur domicile.
Que reste-t-il un an plus tard de cette révolution qui ne dit pas son nom ? Une certitude tout d’abord, le télétravail est appelé à s’installer durablement dans les entreprises. À Paris en particulier, il redonne de l’oxygène à des banlieusards asphyxiés par les trajets en métro ou en RER. Dans la capitale, ce printemps si singulier a aussi pris l’allure d’une échappée belle. Le prétexte tout trouvé pour fuir l’open space qui peut parfois être une comédie [in] humaine (1) comme le souligne la philosophe Julia de Funès. Un lieu où on est soumis à une représentation permanente.
Le télétravail rebat les cartes. Un premier jalon avec un accord interprofessionnel a été signé au mois de novembre 2020 entre le patronat et les principales organisations syndicales mais sans la CGT. Cette dernière plaide pour une grande loi consacrée au télétravail. Sans doute faut-il préférer des accords d’entreprise tant le sujet nécessite du cousu main et une prise en compte des questions particulières. Il n’y a pas une mais de multiples réponses à apporter en fonction des métiers, des générations… Pas facile cependant de négocier dans un pays où les syndicats n’ont jamais été aussi faibles : 8,5 % d’adhérents dans le secteur privé et moins de 20 % dans le secteur public.
Enchantement ou malédiction
Le télétravail bouscule par ailleurs des organisations françaises souvent pyramidales. S’il ouvre la voie à plus d’autonomie et de confiance dans les relations sociales, il fragilise aussi le sentiment d’appartenance. Une entreprise n’est pas seulement une addition de compétences mais une communauté humaine. Il fait de plus peser sur le management intermédiaire une charge mentale accrue. Animer à distance ne s’improvise pas. Plus qu’un télétravail à 100 %, on se dirige plutôt vers des formules hybrides.
On peut regretter dans ce contexte qu’aucun observatoire national n’ait été mis en place ou prévu à l’occasion de l’accord interprofessionnel signé en novembre 2020. Car mal appréhendé, le télétravail peut générer de nouvelles inégalités. En fonction de l’âge, avec ou sans enfants, dans un logement trop petit ou au contraire ouvert sur un jardin ou un espace vert, le télétravail peut être un enchantement ou une malédiction. Il crée aussi une confusion entre l’espace de vie privée et le monde du travail et invite à traiter plus en profondeur la question du droit à la déconnexion.
C’est la raison pour laquelle le télétravail pourrait booster les tiers lieux, ces espaces de coworking, centres d’affaires, télécentres, fab lab où on peut travailler comme au bureau sans avoir à s’y rendre. Il y en a aujourd’hui 2500 en France. 150 000 personnes y travaillent chaque jour. Dans une tribune publiée par Le journal du dimanche, une trentaine de personnalités appellent à la mise en place d’un chèque bureau universel. Il permettrait de régler les frais liés à l’exercice de son activité professionnelle dans un tiers lieu. Associé au numérique à haut débit, le télétravail est une chance à saisir pour revitaliser une partie du territoire. C’est un outil. Il sera ce que nous en ferons.
Source Ouest France