Freelances et indépendants : s'installer à l'étranger en toute légalité

Sea, work and sun… La crise sanitaire l'a prouvé : il est possible, pour beaucoup, de travailler à distance. De n'importe où dans le monde si l'accès internet le permet. Mais attention, l'éloignement ne dispense pas les indépendants de respecter certaines obligations, notamment fiscales.

Charles Hurtebize est tombé amoureux de l'Australie après deux ans passés sur place pour y développer la marque Le Coq Sportif. A la fin de sa mission, en 2008, pas question de rentrer ! Il s'est alors installé au sud de Brisbane et a choisi de devenir travailleur indépendant.

« Le mode de vie australien me correspond parfaitement. Aujourd'hui, je vis et travaille depuis Byron Bay, une ville touristique très agréable au bord de l'océan. » Cet éloignement aux antipodes ne l'a pas empêché, en 2017, de devenir cofondateur du Vélo Mad au côté de Guillaume Adriansen, une entreprise française qui commercialise des vélos à assistance électrique.

L'importance de la résidence fiscale

Exercer une activité professionnelle depuis l'étranger ne pose évidemment pas de problème pour peu que tout soit en règle côté administratif. La situation la plus simple est celle d'un résident qui crée une entreprise sur place et qui facture ses clients avec sa structure étrangère. Facile, mais pas toujours bien accepté par les clients lorsque, par exemple, il faut régler en devise étrangère ou qu'il est impossible de récupérer la TVA.

Virginie Bois n'a rencontré aucune de ces réticences. En 2014, elle a démissionné de l'agence de communication où elle était directrice artistique pour suivre son conjoint à Berlin. Elle choisit alors de se mettre à son compte. « Pendant plus de six ans, j'ai continué à travailler pour mes clients français tout en étant basée en Allemagne, sans rencontrer de souci. Je devais simplement rentrer en France tous les six mois pour en rencontrer certains », explique-t-elle.

Installée durablement à l'étranger, Virginie Bois était résidente fiscale allemande jusqu'à son retour en France, en septembre 2020. « Je déclarais tout là-bas et payais mes impôts en Allemagne. Mon activité était enregistrée sur place, sous un régime proche de l'équivalent français de l'autoentrepreneur », résume-t-elle.

Activité en France, résidence à l'étranger

D'autres entrepreneurs choisissent de conserver leur entreprise et leur résidence fiscale en France. « Les digital nomades par exemple, qui changent d'endroit régulièrement, restent généralement résidents fiscaux français, et leur entreprise, enregistrée en France, relève de la fiscalité nationale », confirme David Smadja avocat associé au cabinet DJS Avocats. spécialiste en droit des sociétés.

Cela implique aussi qu'il n'est pas question d'échapper à l'impôt, au risque de se retrouver dans le collimateur du fisc comme certains influenceurs partis à Dubaï. « Si la personne exerce en France une activité professionnelle à titre principal, ou si sa résidence se trouve en France - même si elle se déplace la majorité de l'année à l'étranger - ou encore si le centre de ses intérêts économiques - siège de son entreprise, lieu de ses principaux investissements, etc. - est en France, alors le fisc considère qu'elle est résidente fiscale française, et donc soumise à l'impôt sur le revenu. Même les non-résidents restent imposables en France pour leurs revenus de source française, à moins qu'une convention fiscale n'ait été signée avec le pays concerné », avertit David Smadja.

Décalages horaires

Exercer depuis l'étranger, même quand on est indépendant, exige une certaine rigueur. En particulier s'il existe un important décalage horaire avec les clients et partenaires restés en France, comme par exemple avec l'Australie. « En été, il y a 8 heures de décalage avec la France et 10 heures en hiver, rappelle Charles Hurtebize. Alors, tous nos appels et visios se font jusque tard dans la soirée pour moi, et tôt le matin pour eux. »

Pour faciliter la vie de l'entreprise, le cofondateur du Vélo Mad a accepté de déléguer tout l'opérationnel aux associés basés au plus proche de l'activité. « En revanche, ils me consultent pour toutes les décisions stratégiques. » Car comme le rappelle l'avocat spécialiste du droit des sociétés David Smadja : « Un dirigeant d'entreprise mandataire social a une obligation de gestion mais pas forcément de présence sur le territoire. C'est du contractuel : il lui suffit de s'entendre avec ses associés. »

Source Les Echos Entrepreneurs