« Aux Etats-Unis, le choc du télétravail est massif et les entreprises peinent à trouver la bonne martingale »

Quand la majorité des salariés américains, en particulier les plus diplômés, semble vouloir poursuivre le travail à distance, les patrons désirent voir leurs ouailles de retour au bureau, explique Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».

Vont-ils revenir ? Comme les marmottes en cette fin de printemps, les travailleurs peinent à sortir de leur tanière et leurs patrons s’inquiètent. « Si vous êtes capable d’aller de nouveau au restaurant, vous pouvez vous rendre au travail », a lancé, lundi 14 juin, James Gorman, le PDG de Morgan Stanley, à ses employés. Il les attend de pied ferme en septembre.

Plus expéditifs, les patrons de Goldman Sachs et de JPMorgan Chase ont convoqué leurs employés d’ici à juillet. « Nous savons d’expérience que notre culture de collaboration, d’innovation et d’apprentissage prospère quand nos employés sont ensemble, et nous souhaiterions que nos collègues retournent au bureau pour s’en rendre à nouveau compte », indique le mémo interne envoyé par la direction de Goldman Sachs.

Il semble flotter comme un vent de panique dans la banque américaine. Une étude de la société Accenture, publiée en mai, indiquait que 78 % des patrons du secteur voulaient que leurs ouailles reviennent au moins quatre jours par semaine. Ce ne sera pas de gaieté de cœur, si l’on en juge par la très intéressante étude conduite par trois économistes des universités de Chicago, Stanford et Mexico (National Bureau of Economic Research, avril 2021).

Clivage politique

Ils ont interviewé un échantillon de près de 30 000 travailleurs américains, âgés de 20 à 64 ans et gagnant plus de 20 000 dollars par an, sur leur expérience d’un an de télétravail. Et la réponse est sans appel : moins de 30 % veulent retourner à plein temps au bureau. Et près de 20 % veulent désormais travailler totalement en télétravail. Ils n’étaient que 5 % avant la pandémie de Covid-19. Les chercheurs estiment le gain de productivité global à + 4,6 %, essentiellement par la réduction des temps de transport.

Le choc est donc massif et les entreprises peinent à trouver la bonne martingale – généralement deux jours de télétravail par semaine –, entre la nécessité de préserver la cohésion du groupe et le souci de garder la motivation de troupes conquises à cette nouvelle vie, notamment les couples avec de jeunes enfants.

Source Le Monde