Coronavirus : ces entreprises ont décidé de déserter leurs bureaux et de passer au télétravail à temps plein

Depuis fin juillet, un salarié sur dix poursuit son activité à distance à cause de l'épidémie de Covid-19, selon le ministère du Travail. Moins de salariés dans des bureaux, les patrons décident donc de rendre une partie de leur locaux. 

L'open space, avec vue sur la place Bellecour de Lyon, est désert. Des feuilles sont empilées sur les bureaux, il reste encore des écrans d'ordinateurs, mais il n'y a plus de vie, plus de bruit. Depuis la crise du Covid-19 et la démocratisation du télétravail, les entreprises désertent leurs locaux. Selon une étude de l'Institut de l’épargne immobilière et foncière, 40% des emplois de bureau peuvent se réaliser à distance.

"Ici, ce sont les seuls espaces que je vais garder, il y a mon bureau, où je suis bien installée", nous montre Emilie Legoff. Cette Lyonnaise a lancé l'entreprise Troops il y a trois ans, un éditeur de logiciel, destiné aux agence d'intérim. Dans une semaine, elle arrêtera de louer plus de la moitié de ses 350 m² de bureaux, soit 7 000 euros d'économies chaque mois. Des économies, mais moins de liens entre les salariés. "J'ai eu de grosses tensions, reconnaît la cheffe d'entreprise. On fait beaucoup moins passer les signaux par mail ou parfois on n'arrive pas à mettre le ton, plutôt que d'en parler à la pause café gentiment".

Emilie Legoff, cheffe d'entreprise à Lyon, arrêtera de louer plus de la moitié de ses bureaux, après la crise sanitaire. (VICTOR VASSEUR / RADIO FRANCE)
Emilie Legoff, cheffe d'entreprise à Lyon, arrêtera de louer plus de la moitié de ses bureaux, après la crise sanitaire. (VICTOR VASSEUR / RADIO FRANCE)
L'entreprise a donc mis en place un séminaire imposé de deux jours par mois aux 45 salariés, n'importe où en France. Mais pour Medhi, qui travaille depuis le début de l'été dans l'entreprise, "une entreprise est composée d'humains avant tout. Si on perd cette humanité, on perd aussi en qualité de travail."

Emilie Legoff l'assure : elle va payer des espaces de travail pour ses salariés si travailler depuis chez eux est impossible. Et puis, s'il le faut, elle n'hésitera pas à revenir en arrière. "Si ça se trouve, ça ne va pas marcher, confie-t-elle, mais ce n'est pas grave, on reprendra des bureaux dans huit mois."

Je pense qu'il y a au moins 30% voire plus aujourd'hui des boîtes tech qui sont passées en total télétravail.

Emilie Legoff, cheffe d'entreprise

Pour autant, la direction constate une hausse de 15 à 20% de la productivité depuis la mise en place du télétravail. Cinq à dix salariés seront embauchés d'ici la fin de l'année.

Une chute de la demande de bureaux

Une chute de 20 à 40% sur un an de la demande de bureaux en région parisienne est attendue, tout comme dans le Rhône. Cette tendance, en revanche, elle ne s'observe pas chez les grand groupes, comme dans le quartier de la Défense, affirme Grégoire de la Ferté, directeur exécutif chez CBRE, spécialiste en conseil immobilier d'entreprise. "Les grands groupes ont d'abord mis en place des politiques de télétravail depuis déjà quelques années, il n'y a pas tellement de changements, explique-t-il. Si demain ils devaient bouger, c'est sans doute sur des envergures et des gabarits qui seraient assez similaires à ce qu'ils ont aujourd'hui. C'est plus une question d'obsolescence des immeubles de bureaux, et d'aller chercher des immeubles de bureaux plus efficients, plus efficaces."

Clairement, ça réinterroge le sens : pourquoi être ensemble, pourquoi venir, les réunions n'ont pas vocation à revenir dans l'entreprise si elles peuvent continuer durablement en visio-conférence.

Olivier Cros, directeur Workplace Strategy chez CRBE 

Plus de 80% des salariés qui ont travaillé à distance veulent poursuivre le télétravail, un à 3 jours par semaine, selon une enquête du cabinet de conseil en immobilier JLL. "Il va y avoir un élan de rationalisation, car le pourquoi on vient au bureau sera repensé, explique Flore Pradère, directrice Recherche Entreprises. Ce sera un lieu pour catalyser les rencontres et l'innovation. Après le Covid, on ne viendra pas seulement au bureau pour travailler en solo, ce sera pour échanger et collaborer."