Accepter qu'un collaborateur télétravaille depuis un pays étranger comporte de nombreux risques, qui doivent être compensés par de la création de valeur. Exemple avec Digitevent qui a des salariés au Brésil ou encore en Irlande.
La crise sanitaire et les confinements à répétition ont provoqué pour certains salariés l'envie de déménager en dehors des grandes villes avec l'objectif de mettre en place un "télétravail longue distance" et de revenir moins souvent au bureau.
30% des responsables de ressources humaines ont ainsi découvert que des salariés avaient déménagé pendant la crise, selon l'Association Nationale des DRH (ANDRH). Certains vont même plus loin, dans les deux sens du terme, en souhaitant s'établir à l'étranger tout en gardant leur emploi en France.
Accepter une telle demande ne se fait pas à la légère. Digitevent, une entreprise française spécialisée dans les solutions logicielles pour les organisateurs d'événements (22 salariés) a été confrontée à ce type d'aspiration.
"Cela a commencé avec un salarié qui souhaitait s'établir au Brésil puis d'autres demandes ont concerné l'Irlande, Dubaï...", nous explique Jonathan Astruc, le co-fondateur de l'entreprise.
Gagnant-gagnant
Pour le dirigeant, accepter une telle demande doit être gagnant-gagnant pour les deux parties. "Au départ, ce n'était pas notre volonté de voir partir un collaborateur au Brésil, cela nous a fait peur, surtout compte tenu de son importance dans l'entreprise. Nous avons d'abord voulu vérifier s'il y a avait des opportunités commerciales pour nous dans ce pays", précise-t-il.
"Cela a demandé un travail de 3 à 4 mois en amont, qui a validé l'intérêt de développer sur place l'activité. Si cela n'avait pas été le cas, nous ne l'aurions pas fait. Nous avons donc accepté et soutenu financièrement cette délocalisation. Car les frais sont importants: 100.000 euros, notamment pour préparer la logistique, le juridique ou encore le terrain commercial sur place. On est même allés au-delà de ce qu'on aurait pu faire, car cette délocalisation crée de vraies opportunités de business avec un salarié capable d'en faire profiter l'entreprise", explique Jonathan Astruc. En clair, "ce n'est pas juste un employé qui va télétravailler depuis le Brésil..."
Mais il y a toujours des mauvaises surprises, notamment du côté de la fiscalité. "Avoir un salarié à l'étranger peut être considéré comme le fait d'avoir un établissement stable dans le pays concerné, donc payer des charges et des impôts, c'est un risque", nous expliquait Séverine Martel, avocate associée chez Reed Smith.
Des barrières, notamment fiscales
"Nous avons été dépassés par ce sujet au début, reconnaît le dirigeant. On s'est heurtés à beaucoup de barrières notamment en ce qui concerne le contrat de travail, il a fallu s'adapter. Il a fallu créer une filiale, on ne pouvait pas faire autrement, ce qui entraîne une charge supplémentaire. Il y a beaucoup de contraintes, il faut bien préparer le terrain".
Il s'agit également de penser aux conséquences en matière de pratiques managériales "en mettant en place des process standardisés, des objectifs précis, des outils de pilotage, une communication solide. Si aujourd'hui, ça roule en terme d'organisation, il faut sans cesse optimiser", ajoute Jonathan Astruc.
Une chose est sûre, la tentation de l'étranger tente de plus en plus "surtout depuis la crise et surtout chez les jeunes. C'est vécu comme un challenge notamment chez les alternants, il faut prendre ce sujet au sérieux", poursuit le dirigeant.
D'autant plus si le collaborateur en question est important ou stratégique pour l'entreprise.
"Accepter une telle demande dépend également du profil et du poids du salarié dans l'entreprise", souffle le responsable.
Source BFMTV