44 % des travailleurs peuvent faire du télétravail aujourd'hui" selon Jean Viard

Une émission dans laquelle on parle télétravail - un sujet qui concerne de nombreux Lyonnais - avec Jean Viard, sociologue et directeur de recherches CNRS au CEVIPOF. Il explique les nouveaux besoins des travailleurs, les transformations du marché de l'emploi et la compétition des entreprises pour embaucher.

Un nouveau besoin du marché du travail ?

Le télétravail existait déjà avant la crise sanitaire qui n'a fait qu'accélérer un processus déjà engagé. Mais à quel besoin de notre société répond le télétravail ? Pour Jean Viard : "ce n'était pas si répandu en France car les patrons aiment bien voir les gens qui travaillent. La crise sanitaire a seulement révélé qu'un travailleur est plus productif lorsqu'il est chez lui et que ce dernier est aussi assez content. Cela correspond donc à un besoin de vie locale et de rapport à l'environnement avec moins de déplacements".

"Il ne faut pas que le télétravail deviennent le second travail des femmes qui restent à la maison pendant que Monsieur va en entreprise" Jean Viard, sociologue et directeur de recherches CNRS au CEVIPOF

Le chercheur précise néanmoins que le télétravail est mieux accepté lorsqu'il se déroule à côté de la maison : "au fond cela veut dire que l'on a deux lieux de travail, l'un à côté de chez soi, l'autre est l'entreprise où l'on va deux à trois fois par semaine. C'est le modèle qui fonctionne le mieux".

Seulement 2 jours par semaine

Pourtant après les confinements successifs, on pourrait s'attendre à ce que les travailleurs favorisent les emplois permettant d'entretenir une relation humaine au travail. Pour Jean Viard, "il ne faut pas enlever la partie entreprise. La plupart des gens qui demandent du télétravail veulent y rester seulement quelques jours dans la semaine. L'idée est de partager le temps".

Le marché parallèle du télétravail

Dans cette optique, le sociologue explique qu'un marché du télétravail s'est créé avec la crise sanitaire, depuis une logique venue des Etats-Unis. "Il y a des start-up implantées au fond de l'Auvergne qui recrutent des gens en télétravail en piquant des salariés aux grands groupes car elles affichent comme un avantage le télétravailce que les grands groupes ne feront peut-être pas. Un marché parallèle est en train de se mettre en place" analyse Jean Viard.

Cela concerne qui ?

"Environ 44 % des travailleurs peuvent faire du télétravail aujourd'hui, il y en aura plus demain" répond Jean Viard. Le chercheur poursuit en donnant l'exemple des enseignants : "ceux qui n'ont qu'un unique cours dans la journée, est-ce que cela vaut la peine de se déplacer ? Il y a beaucoup de métiers où l'on passe au moins un jour par semaine sur son ordinateur, donc potentiellement en télétravail ".

"La productivité des salariés est en hausse d'environ 20 % en télétravail, et on s'est aussi rendu compte que le salarié en télétravail ne demandait jamais d'heures supplémentaires" Jean Viard, sociologue et directeur de recherches CNRS au CEVIPOF

Le sociologue revient aussi sur la crise sanitaire : "40 % des travailleurs l'on fait pendant le confinement, majoritairement des emplois cadres à 80 %". Les avantages pour les entreprises ? Jean Viard explique : "la productivité des salariés est en hausse d'environ 20 % en télétravail, et on s'est aussi rendu compte que le salarié en télétravail ne demandait jamais d'heures supplémentaires... ce qui plaît bien aux entreprises ".

Risque et bouleversement social

Le chercheur pointe aussi un risque : "il ne faut pas que le télétravail deviennent le second travail des femmes qui restent à la maison pendant que Monsieur va en entreprise. Il faut être attentif à cela." Plus globalement, nous irions, selon lui, vers une "société du local et de la livraison. Depuis la guerre on avait construit notre société autour de l'automobile avec le supermarché et le HLM... maintenant on est sur un nouveau type de lien social pouvant favoriser la reconstruction du lien étant donné que le télétravail permet de créer un "commun" local. A mon avis c'est excellent pour la société". 

Source Lyon Capitale