Menées par le Boston Consulting Group, plusieurs études montrent que la transformation ne consiste plus à se rendre d'un point A vers un point B, mais est devenue un continuum faisant peser des contraintes protéiformes sur le « middle » management.
Post-crise, 78 % des collaborateurs plébiscitent le travail hybride. Mais, bien avant que n'éclate la pandémie, source d'une accélération sans précédent des mutations, 80 % des managers intermédiaires déploraient déjà « un métier de plus en plus difficile à gérer ». Fruits d'enquêtes du Boston Consulting Group (*), ces constats rappellent que « le middle manager est le point de convergence de toutes les transformations de l'entreprise », de l'avis de Vinciane Beauchene, directrice associée du BCG.
Et cette spécialiste des ressources humaines d'expliquer que « dès qu'il s'agit de gagner en flexibilité et en agilité, de s'attacher à maintenir le lien ou d'explorer des solutions inédites répondant aux nouveaux enjeux, cela revient trop souvent à rajouter une couche de responsabilité au manager ».
Eviter les disparités
Résultat, cette position perd de sa superbe : seul un talent sur dix aspirent à ce poste, et 65 % des managers se projettent vers d'autres horizons, à des fonctions d'expert, à l'international, voire même entrepreneur. « Ce job fait moins rêver alors qu'il reste essentiel, surtout en période de crise, à l'heure où le middle management constitue le meilleur moyen de diffuser des messages rapidement et de réorganiser le travail », souligne Vinciane Beauchene, insistant sur la nécessité de rendre ce poste désirable.
Pour ce faire, l'experte en RH prône la clarification du rôle du manager pour éviter une trop forte hétérogénéité dans la qualité du management au sein des organisations. « Nous l'avons observé pendant la crise, alors que le télétravail était encore contraint : au sein de chaque entreprise, et même d'un service à l'autre, chaque équipe recevait des messages différents en fonction des préférences et sensibilités de chaque manager », dit-elle.
Penser à la spécialisation
De son avis, face aux transformations tous azimuts, et en gardant en tête qu'un manager « ne peut pas tout faire », une spécialisation du management s'impose. « En regard des nouveaux modes de travail, il semble pertinent de refocaliser leur rôle, par exemple sur le développement des compétences et l'accompagnement des carrières quitte à redistribuer d'autres tâches telles que le développement de projet ou le reporting en matière de relation client, etc. », jauge Vinciane Beauchene, voyant là « un pré-requis pour un niveau optimal de performance individuelle et collective ».
Rappelant que la crise sanitaire et le recours à grande échelle au travail à distance ont autonomisé nombre de collaborateurs, elle estime que la période est propice au développement d'« un management recentré et libéré de certaines charges de gestion ». « Ce qui est enlevé à un manager est confié à d'autres rôles, dépriorisé ou automatisé », résume Vinciane Beauchene.
"Ce job fait moins rêver alors qu'il reste essentiel, surtout en période de crise." Vinciane Beauchene Directrice associée du BCG
Certes, une telle réorganisation suppose des investissements, aussi bien dans les nouvelles technologies (par exemple pour doter l'organisation d'un système d'information de gestion des ressources humaines ou SIRH), que dans la formation et la montée en compétences, ou encore dans la réalisation d'audits et enquêtes internes. « Pourtant, 40 % des DRH jugent avoir besoin d'un budget supplémentaire », alerte-t-elle, se référant à une étude de l'ANDRH réalisée en partenariat avec le BCG
Recourir à l'intelligence artificielle
Pour ce qui est des investissements technologiques, il paraît notamment judicieux d'accélérer sur la voie de l'intelligence artificielle « permettant d'aller chercher l'information là où elle se trouve, par exemple sur les réseaux sociaux d'entreprise de manière à être en capacité de réagir vite et de ne plus se contenter d'enquêtes annuelles », pointe Vinciane Beauchene. En effet, la transformation ne s'opère pas seulement à un rythme plus soutenu, elle devient continue.
« L'expression 'transformation en continu' fait peur, donc nous préférons le terme 'évolution' qui reflète l'idée d'un continuum : l'objectif n'est pas d'enchaîner les coups de collier, mais d'être dans une logique d'adaptation perpétuelle », dit-elle. Et Vinciane Beauchene de conclure que « cela révèle la nécessité fondamentale de repenser la capacité d'accompagner l'évolution des collaborateurs : pour que cela soit tenable, il faut expliquer le pourquoi et tenir compte des besoins de chacun en les réconciliant avec ceux de l'entreprise ».
(*) Sources : rapport « Decoding Global Talent 2021 » réalisé par le Boston Consulting Group pour Cadremploi (mars 2021) et étude « Les managers intermédiaires, intégrateurs de la complexité ? », de BCG en partenariat avec le groupe ressources humaines de Sciences Po Alumni (décembre 2017).
Source Les Echos