L’art de la communication apaisée : six attitudes pour élever le débat

« Puisque les mots sont des armes, tâchons d'être délicats et responsables », écrit le poète d'entreprise Vincent Avanzi.

OPINION - Débattre sans éclats de voix, dans le respect de l'opinion de l'autre, semble de plus en plus rare. Les opinions s'affrontent plus qu'elle ne se confrontent, et la recherche de consensus s'effondre. Comment renouer avec une communication apaisée et respectueuse ?

Le monde sous Covid provoque un clivage grandissant aussi bien sanitaire que politique. Ce n'est pas encore le soulèvement des machines, mais l'affrontement des idées est plutôt radical, chacun avec son idéal. Vaccinés contre antivax, patriotes contre universalistes… Les débats font rage, les discussions sont difficiles, les gens irritables. Comme le scande Orelsan dans L'Odeur de l'essence : « sujet sensible, personnes sensibles ». Tout paraît irréconciliable. Le concept de vérité vacille, disqualifié par les fake news, les complots, le non-sens.

L'entreprise n'est pas épargnée : l'arrêt de l'activité, la reprise isolée sous forme de télétravail désorganisé, le retour à « l'anormal », le flex office , le retour de l'inflation… tout se réorganise et tout est sujet à discussion, explication, négociation, coopération. Mais comment atteindre l'apaisement, une harmonie véritable et durable dans nos relations, nos communications, nos conversations et nos collaborations ?

Les mots peuvent être des ponts ou des murs. S'ils proposent un voyage, ils imposent aussi un paysage. Comment délivrer des messages et conserver une atmosphère inclusive et harmonieuse au sein de l'entreprise ? Puisque les mots sont des armes, tâchons d'être délicats et responsables en usant de leur puissance à bon escient. Voici des clés de succès pour parvenir au triple « CO »  : engager des COnversations harmonieuses, développer une COmmunication merveilleuse et offrir une COllaboration lumineuse.

#1. L'écoute empathique

L'empathie est cette capacité à s'identifier à autrui dans ce qu'il ressent. On utilise souvent l'expression d'écoute empathique ou d'écoute bienveillante. Dans son ouvrage « A way of being » paru en 1980, le psychologue américain Carl Rogers donne cette définition de l'« écoute active » : « se perdre dans ce qui peut apparaître, d'une manière ou d'une autre, comme le monde bizarre et étrange d'autrui ».

C'est une capacité à écouter pleinement la personne, puis à reformuler pour bien montrer que nous avons entendu son point de vue, avant d'échanger pour trouver un terrain d'entente. L'écoute empathique est cette faculté humaine bienveillante d'entrer en relation profonde avec autrui, avec considération et sans jugement. Cette belle vertu, comme l'altruisme, est utile dans toute conversation. Elle est une prémisse à une saine collaboration.

#2. L'intelligence émotionnelle

C'est la « soft skill » du XXIe siècle ! Le Forum économique mondial a ajouté l'intelligence émotionnelle aux dix principales compétences du Future of Work. Le quotient émotionnel est déterminant pour notre leadership, notre capacité d'influence sur l'environnement et le management en vue d'une meilleure gestion des richesses humaines.

Certaines communications tendent à nous échapper et nous amènent à répondre à vif en nous laissant submerger par les émotions. Aussi, avant de répondre avec agressivité ou un enthousiasme exacerbé à un collègue, un associé, un client ou un partenaire, et avant de dire des choses que nous regretterions, prenons le temps long du recul, de la respiration profonde. Laissons un délai de réponse, tournons notre langue de boîte sept fois dans notre bouche afin d'en sortir une réponse plus mûre et réfléchie, avec une attention posée sur notre intuition et l'écoute de notre instinct. Manié avec maîtrise, cet art du silence fera retomber la pression entre le poids des mots et le choc des images pour un atterrissage en douceur.

Ce temps pris permettra de dissoudre la colère. Plutôt qu'une « réaction à chaud », il rendra possible une « réaction à froid » avec un supplément de chaleur humaine. Le dialogue n'en sera que plus apaisé et constructif. Comme l'écrivait Thomas More dans l'Utopie : « Une règle du parlement d'Utopie est de ne jamais débattre d'une loi le même jour de sa proposition », rentrons ainsi dans le temps long et fécond de la connexion profonde.

"Le quotient émotionnel est déterminant pour notre leadership."

#3. Le parler vrai

La transparence est une des valeurs fortes de la société post-Covid. Il est temps en 2022 d'utiliser un discours de vérité pour échanger et faire passer ses idées, quelle que soit l'audience. C'est à la fois un gain de temps, un gage de clarté mais aussi une manière d'être authentique et entier dans sa communication. Utilisons les bons mots, c'est-à-dire les mots justes, les siens et ceux qui résonnent en nous pour trouver un compromis dans l'échange avec autrui.

Appliquons les accords Toltèques : « Que votre parole soit impeccable ; Quoi qu'il arrive, n'en faites pas une affaire personnelle ; Ne faites pas de suppositions ; Faites toujours de votre mieux » définis par l'auteur mexicain Miguel Ruiz. Tâchons d'employer les mots les plus en accord avec notre vérité . Dans un monde où les avis se polarisent, il est essentiel de ne plus se cacher derrière un masque, mais d'oser la vérité et l'affirmation de soi, tel un « je » en service pour le « nous ». Un préalable pour tout leader en quête de fédération d'énergies.

#4. La psychologie positive

Se montrer positif et optimiste est souvent une clé de réussite pour une communication apaisée. Parler vrai avec mais douceur, parler juste mais avec espoir. Utilisons un champ lexical positif quand cela est possible. A chaque problème, une solution… ou un poème. A l'image du slogan « Se lever de bonheur » adopté par le média en ligne L'Optimisme, tentons de trouver la parole qui prend soin et qui élève, celle qui soigne et qui enchante, celle qui révèle et qui éveille.

La psychologie positive est basée sur l'attention portée sur les forces, les talents, les qualités d'autrui, les singularités qui contribuent de manière favorable au groupe. Trouvons nos forces communes et nos correspondances, nos richesses humaines pour coécrire notre avenir, ensemble, en harmonie, et ainsi bâtir les plus belles équipes et aventures vers demain. De nombreux processus de psychologie positive peuvent trouver leur place en entreprise pour magnifier ses ressources humaines, comme raconter une réussite pour en faire ressortir les qualités mises en oeuvre et en déduire des axes d'amélioration.

#5. Le feedback

Une fois échangés nos points de vue divergents, il faudra user de l'art de savoir donner et recevoir du feedback - en one-to-one ou en 360 degrés avec tous ses interlocuteurs - pour donner vie à une partition convergente. Cette critique constructive et bienveillante permettra à chacun de faire un pas, vers soi, vers l'autre, vers le nous.

Délivrer un feedback pertinent commence souvent par l'évocation d'une qualité mise en oeuvre par chacune des parties, avant de proposer un ou plusieurs axes d'amélioration. En bref, comment faire encore mieux demain, seul et en équipe entre collaborateurs ou partenaires ?

La communication doit servir à véhiculer des messages vrais et utiles sans blesser. Le feedback est essentiel. Il fonde de meilleurs lendemains. Comme disait l'entrepreneur et auteur américain, spécialiste du management, Kenneth Blanchard : « Le feedback, c'est le petit-déjeuner des champions ». Le parallèle avec les sportifs de haut niveau est pertinent. Notre élévation en tant que leader, et plus largement notre évolution humaine, dépend de la qualité du feedback.

« L'art du débat réside dans le fait de négocier et communiquer pour arriver à un compromis, sauf sur ses valeurs fondamentales », écrit Vincent Avanzi. 

#6. Le respect

Le débat, comme le discours, est une forme d'art : la capacité à échanger des idées, l'un.e après l'autre, à s'écouter sans se couper la parole, à attendre son tour pour ensuite répondre aux potentielles discordes et rétablir une forme de vérité partagée en vue de trouver un nouveau terrain d'entente. Le but de tout débat contradictoire doit être la recherche de la vérité et non l'imposition de son opinion ou de sa conviction.

Un débat est un duel… « de cap et de paix ». Ayez la flexibilité et l'ouverture de faire évoluer vos idées vers la vérité, pour une victoire de la vie. On parle de raison d'être ou de quête de sens en entreprise, allons vers cette mission supérieure et cette ambition d'un impact sociétal humain ou environnemental puissant. Souvenez-vous de ce mantra du poète perse Jalal Al-Din Rûmi : « Avant j'étais intelligent, je voulais changer le monde. Maintenant je suis sage et je me change moi-même ». L'art du débat réside dans le fait de négocier et communiquer pour arriver à un compromis, sauf sur ses valeurs fondamentales.

Cela donnera lieu à un pacte de non-violence, comme le définit le psychologue américain Marshall B. Rosenberg, le concepteur de la CNV (Communication non-violente). Au sein des équipes, le processus de CNV permettra de clarifier les enjeux , de faciliter la prise de décision et la mise en oeuvre de projets dans un climat de confiance. Il autorisera une sortie du jeu du « qui a tort, qui a raison ? », de résoudre les conflits, d'améliorer les relations et ainsi d'accroître les performances.

Les leaders qui réussiront à faire passer leurs idées derrière le sceau de la quête de vérité et d'harmonie, iront loin ensemble et non pas vite et seuls. Ils réussiront à engager et tendre leurs équipes et leur audience vers leurs idéaux . L'art de la communication est intimement lié aux arts de la conversation et de la collaboration. Il est celui par lequel l'être humain, cet animal social, entrepreneur et aventurier de l'idéal, tente d'atteindre le Graal.

« Parler est un besoin, écouter est un art », disait Goethe. Devenons des virtuoses de l'écoute, avant d'être des orateurs, pour ne pas perdre l'essentiel : l'entente. Coécrivons demain en harmonie, de manière apaisée, nos avis convergents. Entendons-nous sur l'essentiel puis avançons vers le soleil. L'être humain est défini par ses actes, mais n'oubliez pas que, parfois, les paroles sont des actes.

Source Les Echos Entrepreneurs