Pour développer votre startup à l’international, rien ne sert de vouloir tout, tout de suite. Mais il ne faut pas, non plus, rester passif et attendre tout de ses conseillers. Matthieu Charrière, startup program manager à Business France, liste les trois premières étapes d’une internationalisation réussie, en fonction de la maturité de votre entreprise.
Chez les startups françaises, l’expansion à l’international attire de plus en plus. Et cela se ressent dans les salons technologiques : « La délégation française au CES est chaque année de plus en plus nombreuse, témoigne Matthieu Charrière, startup program manager à Business France. En 2019, nous avons accompagné 100 jeunes pousses françaises, en 2020, 150. »
Sorare, Qonto, Contentsquare… Si la France a tardé à voir émerger des licornes, elle voit désormais leurs valorisations décoller, avec deux entreprises (Back Market et Doctolib) qui dépassent les 5 milliards de dollars de valorisation et plus d’une dizaine qui ont atteint ou dépassé les 2 milliards. Et à mesure que cet écosystème français prend de la maturité, une nouvelle tendance émerge, fait remarquer le spécialiste de Business France : beaucoup de nouvelles pépites sont, dès l’origine, pensées non plus comme françaises mais comme « globales », anticipant ainsi le futur besoin de se développer à l’international. Concrètement, cela se traduit par le recrutement d’employés d’origine étrangère ou bilingues, l’utilisation de supports en anglais ou même « le simple nom de l’entreprise, à consonance anglophone », indique Matthieu Charrière.
Hors de nos frontières, ces startups vont bien sûr chercher de nouveaux relais de croissance, en priorité. Mais ce développement à l’international apporte également des effets de bord positifs : les différences des marchés sur lesquels elles s’installent peuvent les pousser à diversifier leurs offres, et donc leurs sources de revenus. Ce faisant, elles attirent aussi des talents venus de différents horizons et densifient leurs compétences.
Attention toutefois, l’expansion à l’international n’est pas la réponse à tous les problèmes. Pour fonctionner, elle doit s’inscrire dans une stratégie pensée en amont. Voici les trois premières étapes recommandées par Matthieu Charrière pour une internationalisation réussie, en fonction de quatre types d’entrepreneurs identifiés.
Le risque-tout, qui veut conquérir plusieurs pays en un temps record
- Analyser les marchés visés, en recueillant des données et en réalisant des études de marché.
- Prioriser. Il s’agit ici de définir trois marchés prioritaires, sur des temporalités différentes (court terme, moyen terme et long terme).
- Se concentrer sur une seule priorité. En clair, il convient de bien définir sa feuille de route pour l’expansion dans un premier pays, incluant la manière d’aller chercher ses premiers clients. Il faut notamment peser le pour et le contre et savoir s’il vaut mieux gérer le marché depuis la France (conseillé pour les pays limitrophes ou relativement proches avant d’ouvrir un bureau une fois qu’un chiffre d’affaires minimum est atteint dans ledit pays) ou ouvrir un bureau dans le pays (conseillé pour un marché plus lointain ou plus complexe) et commencer à construire son équipe commerciale sur place si besoin.
« Et si je dois absolument m’installer aux États-Unis très vite pour pouvoir scaler ? » Alors il faut d’abord faire des États-Unis sa priorité principale, sans jouer sur d’autres tableaux. « Cela demande d’investir au moins un million d’euros avant de signer son premier contrat aux États-Unis et c’est compliqué (marché très concurrentiel, besoin de davantage de commerciaux que sur les marchés européens…), prévient Matthieu Charrière. Donc un entrepreneur qui affirme vouloir se développer sur ce marché en plus d’autres sur la même année me semble trop ambitieux. »
Par ailleurs, note Matthieu Charrière, « depuis la pandémie de Covid-19, les États-Unis ne sont plus aussi prisés qu’avant, il y a un recentrage des stratégies d’expansion des startups françaises sur le marché européen, et notamment en Allemagne ».
Le simpliste, qui veut s’exporter, car sa croissance est en panne
- Remettre en question son produit et le fonctionnement de son entreprise. Avant de s’engager dans une internationalisation, il est indispensable de comprendre pourquoi son produit ne fonctionne pas. Est-il vraiment adapté au marché français ? Est-ce dû à un tarif trop élevé ou plutôt à une mauvaise stratégie marketing ?
- Identifier les points bloquants à la vente. Une fois les premières réponses obtenues, il convient ensuite d’identifier l’origine de la perte de croissance ou de la perte de clients, réfléchir aux points faibles de sa communication…
- Résoudre ou améliorer ces points bloquants afin de relancer sa croissance sur le marché français, avant même de penser à l’export.
« Il faut démontrer sa légitimité sur son propre terrain avant de s’intéresser à un autre, assure Matthieu Charrière. S’il vous est difficile de convaincre vos propres clients en France, comment voulez-vous convaincre un client espagnol ou italien ? »
Quid des startups qui réussissent à l’étranger sans présence française ? C’est vrai, il en existe, « notamment dans le logiciel », admet Matthieu Charrière, « mais cela a fonctionné pour elles car c’était leur stratégie depuis le départ », insiste-t-il. L’international ne doit pas être la roue de secours en cas de panne de croissance.
Le frileux, qui ne veut pas mettre en péril son entreprise en se développant à l’international
- Se rassurer en consultant des experts des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) ou de Business France, par exemple.
- Se pencher sur des cas d’usages concrets dans son secteur et voir ce que l’international a apporté à ces entreprises. Pourquoi ne pas rencontrer des gens qui ont sauté le pas et recueillir leurs retours d’expérience ?
- Dessiner un parcours afin de minimiser ses risques, avec l’aide de Business France, notamment. Chargée du développement international des entreprises françaises, la structure dispose, en effet, de programmes pour accompagner les startups dans leur expansion à l’international. Pour ne pas s’emmêler les pinceaux, Business France vient d’ailleurs de publier un livre blanc (1) destiné aux startups qui projettent de s’internationaliser. Y sont détaillées les aides financières (chèque Relance Export, aides régionales) et les programmes d’accélérations à l’international vers lesquels se tourner en fonction de la maturité de sa startup.
« Et si la France me suffit ? » Si c’est le cas après réflexion, aucun problème. « Mais malheureusement, cette décision est souvent due à une méconnaissance des bénéfices et des mécanismes d’accompagnement qui existent pour les aider à défricher le terrain et simplifier la complexité apparente », regrette Matthieu Charrière.
Le néophyte, qui demande à ses conseillers de lui recommander des marchés à conquérir
Comment faire pour ne pas passer à côté d’un marché porteur mais niche ? Il est vrai que certaines startups se développent dans des marchés parfois incongrus ou auxquels elles n’auraient jamais pensé à l’origine, « qu’elles choisissent parce qu’elles se rendent compte que, sur dix clients, huit sont indiens, par exemple », illustre Matthieu Charrière. Pour autant, il ne faut pas négliger de construire une stratégie dès le départ, « avec sa collecte de données, ses études de marché et sa priorisation », souligne-t-il. Ce travail de documentation peut très bien amener la startup à se diriger vers des marchés inattendus à haut potentiel. Le développement à l’international répond à un juste milieu entre stratégie et opportunité.
« Heureusement, avec la maturité de l’écosystème français et la multiplication des structures d’accompagnement (incubateurs, accélérateurs, fonds…), on retrouve de moins en moins d’entrepreneurs néophytes », s’enthousiasme le startup program manager.
Source Maddyness