CETTE STARTUP PARISIENNE A DÉCIDÉ D'ADOPTER LE TÉLÉTRAVAIL À 100% (MÊME APRÈS LA CRISE)

En télétravail depuis le premier confinement, Prévision.io décidé de le rester même après la crise sanitaire. La startup de 50 salariés a même choisi de ne pas renouveler le bail de ses locaux.

Et si le télétravail devenait la norme dans des entreprises après la crise sanitaire? La question fait débat parmi les salariés et les entreprises. Si 18% des DRH reconnaissent ne pas avoir mis en place un plan pour télétravailler, 58% envisagent de prolonger le télétravail au-delà de la crise sanitaire, selon une étude de Gras Savoye Willis Towers Watson.

Certaines ont déjà fait ce choix. Prevision.io dont le personnel est à 100% en télétravail, a décidé de l'imposer définitivement à ses 50 salariés, principalement des développeurs. Cette startup développe des applications prévisionnelles en intelligence artificielle pour les entreprises ou les scientifiques. Parmi ses clients, la SNCF, La Poste, Renault ou Total.

"Nous nous sommes mis en télétravail total avant que le gouvernement ne l'impose et en juin 2020, lorsque notre bail est arrivé à échéance, nous avons décidé de ne pas le renouveler. Tout se passait bien voire mieux pour l'entreprise et les salariés", explique à BFM Business Arnold Zephir, cofondateur de Prevision.io.

Après quelques mois, l'entreprise a tout de même décidé de corriger le tir. Alors que les salariés vivant en famille trouvaient la situation agréable, d'autres ont difficilement vécu cet isolement. En décembre, Prévision.io a repris des locaux pour permettre à 10 salariés de venir quand ils le souhaitaient et organiser des réunions de travail en présentielle.

"Nous n'imposons rien, chacun vient quand il veut et s'il veut dans le respect des distanciations sociales. Le seul impératif est d'être présent à certaines réunions qui ne peuvent se faire qu'en présentiel, même ceux qui ont choisi de vivre loin de Paris, nous avons des salariés à Lille, à Nantes et dans le Périgord", signale le dirigeant.  

Frais professionnels


Cet impératif soulève la question des frais de transport. Précision.io indemnise 50% du pass Navigo, même à ceux qui vivent en Province, mais pas les billets de TGV. Pour le dirigeant, le salarié qui a fait le choix de s'éloigner doit assumer ces frais.

Il va falloir régler légalement ce point comme aussi les tickets restaurant. Nous allons formaliser certaines choses, mais pour tout ce qui est légal, nous attendons que le gouvernement et les partenaires sociaux établissent des règles claires. En 2020, le télétravail s'est imposé brutalement avec la crise sanitaire, mais il va se pérenniser dans de nombreuses entreprises", soulève Arnold Zephir. 
 
L'entreprise s'interroge aussi sur les salaires. Peuvent-ils, comme certaines entreprises américaines le font, être en fonction du lieu d'habitation en tenant compte des disparités régionales? Dans un rapport publié en 2020, l'Insee relevait que dans le secteur privé, "le salaire en équivalent temps plein moyen est nettement plus élevé en Île-de-France que dans les autres régions.

"Nous ne comptons pas le faire, mais nous voulons anticiper le débat plutôt que de vivre des tensions entre ceux qui payent cher leur logement en Ile-de-France et les autres. Mieux vaut éviter les tabous qui créeraient des frustrations", estime Arnold Zephir.

En France le télétravail est encadré. Fin 2020, un accord a été conclu entre les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT, sur les modalités d'organisation. Ce texte a vocation à remplacer l'accord national interprofessionnel (ANI) de 2005 sur la question. Peu favorables à une pérennisation du télétravail, les organisations patronales et de salariés ont trouvé un consensus pour préserver le fonctionnement de l'entreprise et la protection des salariés.

Le patronat avait à l'époque prévenu que ce texte ne serait "ni normatif" "ni prescriptif", et qu'il ne change pas les dispositions légales existantes.

Nous restons sur cette position et n'avons pas l'intention d'aller plus loin. Cet accord apporte des points de repère aux employeurs qui doivent ouvrir des concertations avec les salariés pour s'organiser", a déclaré Hubert Mongon, le délégué général de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) et négociateur du Medef pour les dossiers sociaux. Ce responsable rappelle aussi qu'il y a "autant d'organisations possibles que d'entreprises".

Recruter à l'étranger?

Force Ouvrière est globalement sur la même ligne. Les concertations sont incontournables, mais il y aurait des risques à pérenniser ce système et à l'adopter pour la totalité de ses effectifs.

Nous avons des réticences sur un télétravail à 100% qui n'est pas une solution sur le long terme, d'autant que ça pose des questions sur la réversibilité. S’il n’y a plus de locaux ou s'ils sont trop petits, le salarié ne peut faire le choix de revenir", a répondu à BFM Business Béatrice Clicq, déléguée confédérale en charge du dossier télétravail à FO.
Sur la question d'une disparité des salaires, Béatrice Clicq est plus que réservée. Elle craint des conséquences sur la destruction des emplois en France.

"Si on peut recruter partout en France, pourquoi pas à l'étranger? De nombreuses activités pourraient le faire, mais ce serait dangereux pour l'emploi national. Mais aussi, comment faire si un salarié déménage? Faire varier son salaire selon son lieu d'habitation? Ce n'est pas jouable du tout", estime la déléguée confédérale de FO.


Prévision.io a déjà rejeté la possibilité de recruter ou même de permettre à ses salariés de quitter le territoire national en tout cas pour aller vivre sous d'autres fuseaux horaires.

"On sent que certains pourraient avoir envie d'aller vivre par exemple en Thaïlande qui accueille de plus en plus de télétravailleurs occidentaux, mais on ne peut travailler avec un tel décalage horaire. Et surtout, on ne tient pas à ce que nos salariés deviennent des freelances de luxe", explique Arnold Zephir.

L'entreprise compte recruter une trentaine de personnes d'ici à fin 2021 partout en France.